Gibson vend du rêve ou des guitares?




Par : Frédéric Perreault, Partenaire chez Bloomfield Kooper

Crédit photo : The man and the woman, 1972, Gibson Guitars Inc.

Gibson vend du rêve ou des guitares?

Gibson fait face à une série de problèmes financiers qui lui laissent présager un sombre avenir. En tant que gens d’affaires/guitaristes collectionneurs, la nouvelle de la semaine dernière nous a interpelés en plus de nous questionner sur le parcours menant à une telle situation.

To the quiet, sharp crack of a heartbreak

L’image ci-jointe en dit justement long, trop long sur le sujet et se voit même être prophète du communiqué de presse envoyé par le fabricant de guitares la semaine dernière. Lors de la publication de cette publicité, en 1972, Gibson était à l’aube d’une période financière très difficile.

Faisant l’éloge des misères du blues et du parallèle avec sa propre histoire, Gibson pouvait néanmoins compter sur des ambassadeurs de la trempe de B.B. King pour encourager les consommateurs. Aujourd’hui, le rock et ses ambassadeurs étant tout aussi menacés, Gibson ne peut compter que sur elle-même pour sortir de cette impasse.

To the chain-heavy thunder of a troubled mind

Selon l’annonce de la semaine dernière, le problème repose sur la diversification de l’entreprise par le biais d’acquisitions plus ou moins pertinentes et surtout non rentables. De plus, on demande un changement au niveau administratif. Cependant, sont-ce les véritables sources des problèmes financiers de Gibson?

Alors que Fender a toujours misé sur une image prônant tant l’accessibilité que le rêve, Gibson n’a su miser que sur ce dernier devenant ainsi un produit de luxe. Fender vend des guitares, Gibson vend du rêve! Pourtant, Gibson a toujours produit des modèles plus abordables comme les séries Melody Maker, Junior, Special et Tribute, mais n’a presque exclusivement promu ses modèles exclusifs et signatures.

Rarement, le consommateur se fait cibler par les modèles sous la barre des 1,000$. Ainsi, le guitariste amateur, car oui ce dernier qui fait vivre l’industrie de la guitare, se tourne vers un autre fabricant laissant alors son rêve de Gibson planer pour « plus tard lorsque j’aurai les fonds nécessaires».

Par exemple, alors que Gibson offre sa superbe Lucille, modèle signature de B.B. King se chiffrant à 5,899$; sa compagnie sœur Epiphone, l’offre à 999$. Cet exemple représente de façon très claire le schiste créé par Gibson, faisant fi des réalités du consommateur. De façon objective, alors que le guitariste amateur voit la publicité de Gibson dans Guitar Player, il ne peut que se permettre la Epiphone, made in China!

D’accord, Fender utilise une pratique similaire avec son usine d’assemblage au Mexique, cependant le consommateur peut se procurer une « vraie » Stratocaster, écrit « Fender » sur sa tête, et ce à un moindre prix lui permettant de sembler jouer avec le même équipement qu’Hendrix, Clapton ou Gilmour.

Places few ever dream of getting

En conclusion, pourquoi vendre du rêve plutôt que de vendre des guitares? Pourquoi ne pas mettre davantage d’efforts marketing sur les modèles abordables made in USA plutôt que sur les modèles hors de prix? Cette technique permettrait d’attirer et de fidéliser de nouveaux clients qui, le jour venu, pourront s’acheter cette Les Paul Custom tant rêvée.

À la lumière de la présente situation, le fabricant fait ironiquement face au même rêve que les guitaristes : comment se payer une Gibson?



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